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Syndiquer les travailleur·euses
Retrouvez tous les projets du GLI Paris sur son nouveau site : https://www.global-labour-institute.fr/
Depuis 2010, ReAct Transnational appuie la syndicalisation des travailleur·euses dans divers pays et secteurs en s'appuyant sur des organisateur·rices syndicaux. Ces dernier·ères mettent en œuvre des pratiques héritières du mouvement ouvrier européen et nord-américain visant repenser l’action syndicale via des plans massifs de syndicalisation et le retour de l’action directe comme principal moyen d'accès à la négociation avec les décideurs.
Développer la fonction de "délégué-organisateur·rice" dans les organisations syndicales constitue un contre-pied de la tendance à l’institutionnalisation croissante des relations professionnelles, processus qui subordonne les syndicats aux rythmes du dialogue social dans la plupart des pays. Face à l’enjeu d’organisation collective des travailleur·euses précaires, jeunes, sous-traitant·es, indépendant·es, saisonnier·es, informel·les, il s’agit de multiplier les expérimentations afin de nourrir le renouveau syndical.
Les équipier·es McDonald's s'organisent contre les discriminations
La mobilisation paie: premières victoires des jeunes salarié·es
Regroupant des salarié·es et ex-salarié·es, McDroits milite pour mettre fin à la discrimination au sein de tous les restaurants McDonald’s. Pour démontrer la nature systémique du harcèlement, les membres McDroits décident de lancer un appel à témoignages pour toutes les victimes de discriminations. Harcèlement moral et sexuel, viols, sexisme, racisme, en quelques mois, près de 150 salarié.es contactent le collectif pour raconter l’enfer qu’ils ont vécu.
Lucas, devenu militant McDroits raconte que “Récemment un des manageurs qui travaille depuis 10 ans à McDo m’a dit : “T'as les mêmes seins que ma meuf, tu dois être bon à baiser.”" Ou encore l’expérience de Sarah qui, lorsqu’elle se met à pleurer, son collègue lui dit : « encore une qui chiale à cause de moi », « ça me fait rire les filles qui veulent faire les malines avec moi ». Et lorsqu’elle se défend le collègue répond : « de toute façon la directrice ne fera rien, je ne risque rien ». La majorité des salarié.es racontent que les femmes sont mises en caisse pour “plaire aux clients” pendant que les hommes sont mis en cuisine. Lorsqu’il s’agit d’agressions, les victimes sont souvent mises à l'écart pendant que les agresseurs restent impunis.
Le 16 octobre 2020, les salarié·es, accompagné·es de la CGT, ainsi que plusieurs alliés placardent les 150 témoignages sur les vitres du siège de McDonald's France, et lèvent l’omerta sur leur quotidien au travail. Suite à cela, les McDroits sont reçu·es par la direction et repartent avec leurs premières victoires :
La fin du port de la jupe obligatoire pour les hôtesses
Un protocole d’alerte et de prise en charge en cas de harcèlement
Un personnel référent sur le harcèlement sexuel et sexiste dans tous les restaurants
La formation de tout le personnel pour sensibiliser au harcèlement et aux discriminations
Le respect des pronoms et prénoms des personnes transgenres
Des tenus adaptés et de la bonne taille pour tout le personnel
Depuis 2021, McDroits poursuit son travail de mobilisation des jeunes salarié·es et de dénonciation des pratiques de harcèlement pour pousser la firme multinationale à aller plus loin dans ses engagements. En septembre 2022, Mathilde est invitée pour témoigner au parlement Européen, aux côtés de salarié·es miliant·es du Brésil et des Etats-Unis : “Nous salariées savons qu’en réalité ils mettent en place des protocoles contre le harcèlement qui décrédibilisent les victimes. Ces mesures ne sont pas seulement insuffisantes, mais dangereuses.” Tanya, militante à la Nouvelle-Orléans affirme que “ce n’est pas un restaurant particulier qui pose problème, c’est un problème mondial et systémique”.
McDroits : un vecteur de syndicalisation
En coordonnant le collectif McDroits, ReAct Transnational expérimente des méthodes d’organisation collective de jeunes travailleur·euses éloigné·es des syndicats professionnels. Identifier ce qui les touche, aller les chercher là où il·elles sont (dans les campus, les soirées...), organiser des mobilisations collectives fédératrices et moins couteuses que des grèves longues sont autant d’ingrédients testés. McDroits est également aujourd’hui identifié comme une ressource auprès de jeunes salarié·es souhaitant lancer un mouvement de grève sur leur restaurant. Plusieurs membres de McDroits ont depuis rejoint un syndicat professionnel.
Les McJobs en cause des Etats-Unis à la France
En 2012, quelques dizaines de salarié.es de fast-food lancent un mouvement de grève inédit à New York. Excédés par les salaires misérables qui les obligeaient à faire plusieurs boulots pour avoir un revenu décent, ils demandent une augmentation importante du salaire minimum qui mette fin à la situation de millions de travailleur·euses pauvres. C’est le début du Fight for 15$. Avec le soutien des principales alliances citoyennes et du syndicat SEIU, le mouvement prend de l’ampleur et rassemble bientôt des centaines de milliers de personnes qui gagneront l’augmentation du salaire minimum dans de nombreux Etats et villes des Etats Unis (Californie, Massachusetts, New-York, Illinois, Florida...).
Mais pour gagner à l’échelle de la multinationale, il faut aller chercher des alliés dans tous les pays où elle est implantée. Le deuxième pays dans lequel McDonalds fait le plus de bénéfices est la France. Les échanges entre les syndicats américains et français se développent et ReAct Transnational est sollicité pour apporter son expérience sur la syndicalisation des travailleur·euses précaires.
Etant le premier employeur d’étudiants en France, c’est sur les campus universitaires que l’équipe de ReAct Transnational trouve une majorité de salarié·es. Une première réunion se tient en février 2020 et acte la création d’un syndicat de défense des droits et de lutte contre les discriminations : Mc Droits.
McDonald's c'est aussi :
L’un des principaux propriétaires d’immobilier commercial à travers le monde
96 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2018
Près de 2 millions d'employé·es
Un jeune Français sur dix de 18 à 35 a travaillé à McDo
Le plus grand employeur d’étudiants salarié·es en France
80% de rotation des salarié·es en 2021
Deuxième employeur privé au monde derrière Walmart, on connait tous au moins une personne qui a eu un « McJob ». En France, McDonald’s emploie plus de 75 000 salarié·es directement ou via les franchisés. Le rapport Unhappy Meal EPSU, EFFAT, War on Want et SEIU, 2015) a dévoilé un système d’évasion fiscale qui a mis McDonald’s en première place d'évasion fiscal en France.
Pour en savoir plus sur le Système Mc Do, retrouvez ici le rapport publié par ReAct Transnational en 2018.
Le 18 mai 2020, une coalition internationale de syndicats (l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA), EFFAT, le SEIU) porte plainte contre McDonald’s devant l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) en accusant l’enseigne de laisser proliférer le harcèlement sexuel systématique.
En 2021, ReAct Transnational publie le rapport McProfits (voir ci-contre), détaillant la manière dont McDonald's bénéficie des aides publiques français, au détriment de ses salarié.es.
En 2022, alors que les McDroits retrouvent la CGT pour célébrer l’historique 1,245 milliard d’euros que l’entreprise doit verser en contrepartie d’une amende pour fraude fiscale, McDonald’s est mis en demeure par le syndicat afin de les contraindre à publier leur plan de vigilance, censé détaillé le respect des droits humains et de l’environnement sur toute leur chaine d’approvisionnement.
Les saisonnier·es agricoles se battent pour améliorer les conditions de travail des plantations de canne à sucre du groupe Somdiaa (Castel, Cameroun)
La précarisation du travail pour maximiser les profits
Les plantations de canne à sucre de la Sosucam s'étalent sur près de 25 000 hectares, et embauchent près de 8000 travailleur·euses. Près de 90% de la main d'oeuvre de la Sosucam est temporaire : saisonnier·es ou journalier·es, avec des contrats sans fin définie, ou sans contrat écrit. Ils et elles cumulent les contrats précaires, sans garantie d'être réembauché·es le mois ou l'année suivant·e. Kaoba, manœuvre agricole est l'un d'eux: "Je travaille à la SOSUCAM comme saisonnier depuis plus de vingt ans".
Beaucoup travaillent plus de six mois dans l'année, sans respect du cadre légal. Surtout, les travailleur·euses temporaires ont des conditions de travail bien moins avantageuses : salaires moins élevés, aucune couverture santé, primes moins élevées pour les saisonnier·es que pour les permanent·es, pas de reconnaissance de l'ancienneté, etc. Le salaire de base des saisonnier·es est de 80€ par mois (52 000 FCFA). « En tant que saisonnier, je touche une prime de non-logement (car je ne suis pas logé dans le camp SOSUCAM) de 5 000 FCFA. Les agents de maitrise perçoivent 35 000 FCFA pour la même prime » Issa, coupeur.
Cette précarisation du travail n'est pas un cas isolé dans le secteur de l'agro-industrie. La Somdiaa, détenue par le groupe Castel, est implantée dans 8 pays en Afrique. Selon ses chiffres officiels, plus de 60% de ses travailleur·euses ont des contrats temporaires.
L'organisation collective face à la précarité
Les saisonnier·es de la Sosucam ne sont pas représenté·es par les syndicats existants, dirigés par des travailleur·euses permanent·es, en CDI, et avec de meilleures conditions de travail. Ils et elles ont donc décidé de s'organiser, avec l'appui de ReAct Transnational. Des organisateurs accompagnent depuis 2022 les travailleur·euses des plantations de canne à sucre en Haute Sanaga afin de construire le Syndicat OnEstEnsemble des Saisonniers de la Sosucam.
Via du porte à porte là où les travailleur·euses vivent, en allant à leur rencontre là où ils et elles se retrouvent en soirée ou le dimanche, en s'appuyant sur les leaders des différentes communautés pour qu'ils et elles parlent à leurs collègues dans leur langue maternelle, en tenant des réunions en non-mixité pour faciliter l'engagement des femmes, les organisateurs appuient la construction du syndicat. Il rassemble aujourd'hui plus de 150 membres, tandis que son bureau exécutif, composé uniquement de saisonnier·es, a été élu lors de son assemblée fondatrice en février 2022. Le syndicat a quant à lui été légalisé en octobre 2022, permettant à ses membres de mener de nouvelles activités.
Les revendications principales du syndicat de saisonnier·es
Revendications générales :
- Meilleure rémunération du travail
- Protection de la santé des travailleurs saisonniers
- Stopper la précarisation du travail (travail temporaire, sous-traitance)
- Traitement plus juste entre travailleurs permanents et temporaires
- Respect du droit du travail (code du travail, convention collective, conventions internationales du travail) et du droit sur les libertés syndicales
- Amélioration du cadre légal pour les travailleurs et les syndicats au Cameroun
Revendications en cours :
- Amélioration de la prime de ration journalière, pour assurer la sécurité alimentaire des travailleur·euses
- Revalorisation de la prime d'astreinte à égalité avec les autres travailleur·euses, pour compenser les risques du travail de nuit et garantir l'égalité de traitement
Victoires obtenues :
Grâce à des mouvements de grève en mars et en avril 2022, mobilisant plusieurs miliers de travailleur·euses, ils et elles ont obtenu :
- Des équipements de protection (gants, manteaux de pluie, bottes et jambières) pour 1200 manoeuvres agricoles de la plantation
- L'amélioration de l'accueil des travailleurs dans les centres médicaux
- La suspension d'une nouvelle technique de coupe que la direction voulait mettre en place, augmentant les objectifs, et la transparence des tâches et objectifs
- L''augmentation de la prime de coupe de 175 à 250 FCFA
- La mise en place d'une prime de fin de campagne de 15 000 FCFA
- Le recrutement d'un médiateur social par le délégué du travail parmi les manoeuvres agricoles
- L''annulation des demandes d'explications pour les 180 saisonniers ayant contesté des objectifs, ayant mené à la première grève
Rapport sur les manquements en matière de prise en charge des accidents de travail.
Construire des syndicats de travailleur·ses isolé·es
dans le nettoyage, la sécurité ou l’aide à domicile
Entre 2016 et 2020, ReAct Transnational a appuyé la syndicalisation et la mobilisation collective de travailleur·ses isolé·es dans des secteurs où les syndicats français traditionnels peinent à organiser.
Femmes de ménage d’hôtels, de centres commerciaux, d’hôpitaux, agents de sécurité de zones commerciales ou industrielles, aides à domicile… se sont syndiqué·es pour demander le respect de leurs droits face aux injustices qu’elles et ils rencontrent dans les grandes entreprises de services de l’agglomération lyonnaise.
Asha, arménienne rencontrée devant un hôtel Première classe, a signé un contrat de 50 heures par mois et travaille en réalité 3 fois plus pour 485€ mensuels. Sara nettoie les chambres de l’hôtel Ibis de l’aéroport jusqu’à 12 jours consécutifs sans jours de repos. Foulemata s’est faite licencier du jour au lendemain pour avoir tenté́ de parler avec ses collègues des heures supplémentaires non payées. Ahmed a travaillé pendant 2 mois comme agent de sécurité devant Primark et n’a jamais reçu ni contrat, ni fiche de paie, ni salaire. Mamadou travaille 12h/jour et a plus de 80h supplémentaires non payées alors même que les fêtes de Noël approchent et que les horaires sont encore plus étendus. Aminata raconte les astreintes déguisées non rémunérées dans l’aide à domicile.
Face à cette réalité, visites quotidiennes sur le lieu de travail, tête à tête au domicile, réunions, planification d’actions collectives, entrainement à la négociation, répression, victoires. Pendant 3 ans, ReAct Transnational a appuyé la syndicalisation de centaines de travailleur·ses de l’ombre. Pour la plupart, ils et elles ont vécu leur première grève menant à des luttes victorieuses au Centre Commercial de la Part Dieu, face aux géants Carrefour ou Primark, face à la célèbre chaîne Louvre Hotels ou encore dans une clinique privée de l’agglomération.
Retrouver comment les colères individuelles ont été transformées en force collective :
Balayons les abus, Marielle Benchehboune, Syllepse, 2020.
L’ouvrage « Balayons les abus » décrit comment ReAct Transnational propose de repenser l’action syndicale dans des déserts syndicaux tel que le secteur du nettoyage
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